Tolérance de mise-au-point
En visuel et plus encore en astrophotographie, la mise-au-point précise de l’objet visé permet d’optimiser la qualité de l’image obtenue et ainsi d’en découvrir les plus fins détails discernables suivant l’instrument mis en jeu
En théorie l’image est nette qu’en un seul plan situé au foyer de l’instrument, ceci pour un instrument parfaitement collimaté (tous les axes optiques sont confondus)
Pratiquement divers facteurs viennent perturber cette théorie
Dès que des éléments optiques composés de lentilles interviennent, l’aberration chromatique fait qu’il n’y a pas convergence en un même point des diverses longueurs d’ondes
Des combinaisons optiques permettent de minimiser ce facteur, l’utilisation de filtres à bande étroite le minimise encore plus, on peut donc ne pas en tenir compte avec du matériel de qualité
Quand on réalise la mise-au-point sur un objet on se rend compte que l’image nous paraît nette sur une plage plus ou moins étendue du réglage du porte-oculaire : cette plage est la zone critique de mise-au-point ou CFZ (Critical Focus Zone)
A quoi est-elle due ?
Sans entrer dans des détails trop technique, la nature ondulatoire de la lumière engendre des phénomènes de diffraction, qui sont entre autres responsables du fait que l’image d’une étoile n’est pas un point mais s’étale sur une surface, la fameuse tâche d’Airy qui peut occuper plusieurs pixels de notre capteur photographique
Cette tâche d’Airy se présente en général ainsi (dans le cas d’un instrument bien collimaté et d’un ciel peu turbulent)
Le fondement de base sur lequel repose la définition de la zone CFZ, c’est qu’un changement de mise-au-point sur un point lumineux donne une image de ce point plus petite que le premier anneau de diffraction sombre de la tâche d’Airy et n’est donc pas mesurable dans l’image, ainsi on ne constate pas une dégradation de l’image dans ce changement
Cette zone CFZ correspond à la course du porte-oculaire à l’intérieure de laquelle le changement de mise-au-point d’un point lumineux est plus petit que le premier anneau de diffraction sombre de la tâche d’Airy. Elle est donnée en général par la formule :
- CFZ : taille de la zone en μm
- λ : longueur d’onde en μm
- f : rapport d’ouverture F/D de l’instrument
En écrivant la formule comme ceci :
La partie entre () représente le diamètre Dr du premier anneau de diffraction sombre qui sépare le centre de la tâche d’Airy et le premier anneau brillant
Cette formule généralement admise présente quelques erreurs
La première erreur est l’affirmation que la taille du premier anneau sombre ne peut être mesurée : or il est bien établi et largement accepté que tout détail d’une image plus grand que la FWHM de la tâche d’Airy peut être mesuré. Le diamètre de la FWHM est donné par la formule :
Voir cet article
Le premier anneau de diffraction sombre est 2.44/1.02 fois plus large que la FWHM, si on modifie la mise-au-point de cette valeur cela doit donc être mesurable
L’erreur suivante se base sur le changement de mise-au-point d’un point lumineux, or ce changement ne s’applique pas au point lumineux mais à la tâche d’Airy, le changement de mise-au-point va donc produire une tâche plus large qui va s’étaler sur une plus grande surface
Enfin la formule traditionnelle du calcul de la CFZ ne tient absolument pas compte de la turbulence de l’atmosphère (seeing)
Le site GoldAstro.com introduit un autre point de vue : au lieu de partir sur des erreurs de mise-au-point non mesurables sur lesquelles est basée la formule de CFZ, on précise que toute erreur de mise-au-point est mesurable, on introduit alors un facteur sur l’impact qu’à le changement de la mise-au-point sur la qualité de l’image, ce facteur, défini par l’utilisateur, est fonction des objectifs de ce dernier.
En fonction de ces objectifs le facteur est choisi de façon à considérer que le changement de la mise-au-point n’a pas d’impact sur la qualité de l’image obtenue
Ce facteur représente un pourcentage de déviation acceptable de la meilleure position de mise-au-point mesurée par la FWHM de l’image
Un facteur de 15-20% donne une déviation visible par un astronome expérimenté, ceci en visuel, aussi en astrophotographie on restera en-dessous d’un facteur 10-15%
On introduit alors la NCFZ (New Critical Focus Zone) qui est la plage de déplacement du porte-oculaire à l’intérieure de laquelle on reste inférieure au facteur de tolérance précisé par l’utilisateur, la formule suivante en donne une bonne approximation :
- NCFZ : taille de la zone en μm
- θFWHM : valeur totale du seeing en secondes d’arc (« )
- τ : facteur de tolérance en %
- A : diamètre du télescope en mm
- f : rapport F/D de l’instrument
La constante 0.00225 est exprimée en
Le paramètre θFWHM (la valeur totale du seeing en secondes d’arc) représente la taille du plus petit détail discernable qu’il est possible d’obtenir avec une mise-au-point parfaite suivant les conditions de seeing présentes, c’est la combinaison de la résolution de l’instrument et du seeing astronomique
La formule suivante est valable pour un seeing astronomique égale ou supérieur à 2 secondes d’arc :
- θFWHM : valeur totale du seeing en secondes d’arc (« )
- θlimit : résolution du télescope en secondes d’arc
- θseeing : seeing astronomique en secondes d’arc
Cette formule montre que le seeing total est dominé par le seeing astronomique
Si on a la possibilité de mesurer la FWHM en secondes d’arc des images d’étoiles prises avec la configuration d’astrophotographie utilisée, on utilisera cette mesure pour la valeur de θFWHM
La formule de NCFZ est valable pour une valeur de seeing total compris entre 0.4 et 6 secondes d’arc, 0.4 seconde d’arc étant la plus faible valeur de seeing en observation terrestre et 6 secondes d’arc une valeur maxi
Le facteur de tolérance τ est choisi pour correspondre aux objectifs de l’astronome, une valeur de 15-20% pour le visuel, et 10-15% ou moins en astrophotographie, avec un bon système de mise-au-point des valeurs de 3-5% sont envisageables, et 1-2% avec un système au top, au final le choix doit être en accord avec la qualité d’image à obtenir et surtout avec la précision du système de mise-au-point. La formule de NCFZ est valide pour une tolérance entre 0% et 20%
On voit déjà que la zone de manœuvre de mise-au-point sera plus importante avec les gros diamètres et les longues focales
Les tableaux suivant montrent les valeurs des CFZ et NCFZ pour un Celestron C11, avec divers filtres, pour un seeing astronomique moyen de 3″
On voit que la NFCZ demande un système de mise-au-point plus précis que le calcul de la CFZ laisse supposé.
D’autre part l’influence de la longueur d’onde est négligeable, ceci s’explique par la prédominance du seeing astronomique par rapport à la résolution de l’instrument, ce qui est souvent le cas, ce que ne montre pas la CFZ
On voit également qu’avec des rapports F/D petits, ce qui est en général le cas en astrophotographie du Ciel Profond, la marge de manœuvre est très petite, et nécessite donc un système de mise-au-point performant si l’on veut obtenir des images avec des détails les plus précis possibles
Une zone de mise-au-point de 110 μm signifie que l’on peut déplacer le porte-oculaire de ±55 μm par rapport à la position de mise-au-point exacte sans que l’image soit dégradée