Le guidage en astrophotographie
D’après un article de David Sandage paru dans le magazine AstroPhoto Insight
Obtenir une photo nette d’un objet du ciel implique que l’image de celui-ci, formée par l’instrument sur le capteur de l’imageur (APN ou CCD), soit fixe par rapport au capteur.
Le mouvement de rotation de la Terre autour de son axe Nord-Sud fait que cet objet que l’on veut photographier se déplace au cours de la nuit : pour compenser ce déplacement relatif il faut déplacer l’imageur dans le sens opposé à la même vitesse.
Pour cela on va utiliser une monture équatoriale avec l’axe polaire aligné avec l’axe Nord-Sud de la Terre, cet axe étant motorisé à une vitesse qui compense la rotation de la Terre
Ceci est théorique, car dans le monde réel les choses ne sont pas aussi simples, de nombreux facteurs vont venir perturber cet ensemble
Les sources d’erreur de suivi
- L’erreur périodique : pour compenser le mouvement de rotation de la Terre, la plupart des montures utilisent un moteur attaché à un train d’engrenages pour faire tourner une vis sans fin, celle-ci entraîne une roue dentée liée à l’axe polaire de la monture. A chaque rotation de la vis sans fin, la roue dentée se déplace d’une dent. Idéalement ce déplacement devrait être à une vitesse constante. Cependant de légères imperfections dans la fabrication de la vis sans fin et de la roue dentée, un mauvais alignement de celles-ci, font que la roue dentée se déplace plus lentement à certains endroits et plus rapidement à d’autres endroits. Ce schéma de la variation de vitesse se répète périodiquement à chaque rotation complète de la roue dentée. Cette erreur fait qu’une étoile oscillera en Ascension Droite qui donnera une image de celle-ci allongée suivant l’axe Est-Ouest
- Mauvais alignement de l’axe polaire : si l’alignement n’est pas parfait, et il ne peut l’être, la perfection n’étant pas de ce monde, les étoiles ont tendance à dériver légèrement vers le Nord ou vers le Sud, ce qui donnera une image allongée suivant l’axe Nord-Sud
- Turbulence : le mouvement des différentes couches de l’atmosphère perturbe le déplacement de la lumière, dans certains cas l’image ponctuelle d’une étoile s’étale, dans d’autres cas elle s’agite dans tous les sens, il en résulte une perte de netteté de l’image
- Réfraction différentielle : la lumière d’un objet proche de l’horizon doit traverser plus d’atmosphère qu’un objet plus haut dans le ciel. Suivant les lois de l’optique, la lumière sera déviée (lois de la réfraction) d’un angle plus important au niveau de l’horizon que plus haut dans le ciel, ce qui fait que l’objet apparait toujours plus haut dans le ciel que sa position réelle, et ceci d’autant plus que l’objet est proche de l’horizon. Quand l’objet est à la verticale, il n’y a pas de réfraction, on le voit à sa position réelle, au fur et à mesure qu’il descend vers l’horizon on le voit de plus en plus décalé vers le haut par rapport à sa position réelle, l’objet semble se déplacer de plus en plus lentement. La vitesse de déplacement de la monture qui est à priori parfaite pour un objet à la verticale dans le ciel, devient trop rapide pour un objet de plus en plus bas sur l’horizon, l’image de l’étoile aura alors tendance à s’estomper
- Problèmes mécaniques : même si nous pouvions obtenir un suivi parfait, il n’est pas certain que l’imageur et la monture soient en parfaite union. Sur un télescope le miroir peut se déplacer suivant la position du télescope, la fixation de l’imageur peut entraîner un léger décalage de celui-ci suivant la position du télescope, ceci faisant que l’image sur le capteur peut se décaler
- Contraintes physiques : des câbles mal organisés peuvent exercer une contrainte quand la monture se déplace, des déplacements autour de la monture peuvent générer des vibrations sur celle-ci, de même qu’un vent léger
Améliorer le suivi
Toutes ces sources d’erreur rendent la photographie en pose longue plus difficile, aussi avant de penser au guidage il y a lieu de voir comment améliorer le suivi en minimisant ces erreurs, meilleur sera le suivi, moins de travail aura à faire le système de guidage
- Alignement polaire : appelé aussi « mise en station », plus il sera fait avec précision, meilleur sera le suivi, car même si l’étoile servant au guidage sera nette, le champ autour de cette étoile tourne légèrement autour de cette étoile le rendant légèrement flou. Une des méthodes les plus précises pour réaliser cet alignement est la méthode des dérive (méthode D.A.R.V.)
- Correction de l’erreur périodique : si la monture permet la correction de l’erreur périodique (PEC) la mettre en œuvre
- Équilibrage : le suivi est d’autant meilleur que la vis sans fin exerce une pression constante sur la roue dentée. Pour assurer un effort minimum sur les moteurs de la monture, on part du principe qu’il faut réaliser un bon équilibrage de l’ensemble du télescope et de tous les accessoires qui y sont attachés. Cependant un équilibrage parfait peut conduire à un suivi saccadé, la roue dentée poussée par la vis sans fin pouvant prendre une légère avance. Il est alors préférable de garder un léger déséquilibre (on dit bien léger) suivant l’axe en Ascension Droite, vers l’Est afin que la vis sans fin soit toujours en contact avec la roue dentée.
- Vitesse de suivi : on a vu qu’un objet proche de l’horizon apparait se déplacer plus lentement que lorsqu’il est au zénith, à cause de la réfraction atmosphérique. Certaines montures ont une vitesse de suivi qui tient compte de cela (vitesse de suivi King d’après Edward Skinner King), d’autres dispose d’une vitesse de suivi plus lente qui doit être sélectionnée pour les objets en dessous de 30°
- Ajustements mécaniques : s’assurer que les fixations du télescope sur la monture sont bien serrées afin de réduire les possibilités de flexion. Vérifier que les roulements sont propres et bien graissés, que la vis sans fin est bien tangente avec la roue dentée. La pression entre la vis sans fin et la roue dentée ne doit être ni trop forte, ni trop faible, un léger jeu entre les deux permet un suivi plus doux. Ne pas hésiter à démonter la monture pour la nettoyer, la régler, la graisser
Le guidage
On peut minimiser les erreurs décrites ci-dessus mais pas les éliminer complétement : c’est là qu’intervient le guidage qui consiste à compenser les erreurs de suivi, ceci en surveillant la position d’une étoile sur un capteur par rapport à sa position au début de l’exposition, un calcul est effectué de la correction nécessaire pour ramener l’étoile à sa position de départ, la monture est alors déplacée pour remettre l’étoile guide à la bonne position.
Ceci peut être réalisée manuellement avec un oculaire réticulé et une raquette, ou automatiquement avec un système d’autoguidage.
Le système d’autoguidage effectue les étapes suivantes :
- Capture une image initiale de l’étoile guide et note sa position
- Attente
- Capture une autre image de l’étoile guide et note sa nouvelle position
- Calcule la différence entre la position actuelle et la position initiale
- Déplace la monture de la distance correcte pour repositionner l’étoile guide
- Boucle à l’étape 2
Toute erreur de suivi fera que l’étoile guide se déplace par rapport à sa position initiale, la monture sera alors déplacée légèrement pour compenser cette erreur
Les corrections peuvent se faire en AD ou en DEC suivant le déplacement de l’étoile guide. Les corrections en AD consistent à accélérer/ralentir le moteur étant donné que celui-ci met en œuvre le suivi, mais toujours dans la même direction (il n’y a jamais de marche arrière). En DEC le moteur est mis en route puis stoppé et dans le sens de la correction, si le contact entre la vis sans fin et la roue dentée n’est pas parfait (et il ne l’est jamais) lors d’un changement de sens il y a un léger jeu qui fait que la correction n’est pas pris en charge immédiatement, certains systèmes d’autoguidage peuvent prendre en compte ce paramètre
Est-il indispensable de guider ? Cela dépend. Si le cumul des erreurs de suivi est inférieur à ce qui peut être détecté sur l’image finale, le guidage n’est pas nécessaire. Plus l’échelle de l’image est grande (en arc seconde par pixel) moins on a besoin de guider. Ainsi un télescope avec une longue focale et un imageur avec des petits pixels aura plus besoin d’être guidé qu’un télescope de courte focale et/ou avec un imageur avec de larges pixels. Des essais avec la configuration utilisée permettent de déterminer le besoin ou non de guidage
Méthodes de guidage
Le principe est que si le système de guidage conserve l’étoile guide fixe sur son capteur, il en résultera une image claire et nette de l’objet que l’on photographie. Pour cela il faut un dispositif qui maintient le focus de l’étoile guide sur un capteur, afin d’être lu périodiquement pour déterminer sa position sur le capteur. Il faut qu’au changement de position de l’étoile guide sur son capteur, corresponde un changement de position de l’objet photographié, sur le capteur de l’imageur.
- Guidage OAG (Off Axis Guiding) : un diviseur optique est inséré sur le chemin de la lumière qui forme l’image de l’objet sur l’imageur, il redirige une partie de cette lumière vers un autre capteur utilisé pour l’étoile guide. Une étoile guide est sélectionnée en faisant pivoter et/ou déplacer radialement le miroir. Le capteur de l’étoile guide est fixé perpendiculairement à l’imageur. Le miroir doit être relativement petit et placé suffisamment loin de l’imageur pour ne pas créer une ombre sur celui-ci. Un exemple : le diviseur optique Orion, placé sur une lunette et sur un télescope
- Caméra à double capteurs : le capteur de l’étoile guide est intégré dans le même boîtier que celui de l’imageur, ce qui permet au capteur de l’étoile guide de profiter du champ complet de l’imageur. Seule la marque SBIG propose ce type d’imageur
- Lunette guide : une petite lunette montée en parallèle de l’instrument principal, sur laquelle on fixe la caméra qui suit l’étoile guide. Les deux instruments étant solidaires, à toute dérive de l’étoile guide correspond théoriquement à une dérive de l’objet photographié. Cependant des problèmes de flexion entre les deux instruments peuvent faire que les corrections sur l’étoile guide ne gardent pas l’objet à photographier à la même place sur le capteur de l’imageur. Un exemple de lunette guide Orion, montée sur un télescope
- Les logiciels de guidage : les solutions de guidage précédentes impliquent toutes un deuxième capteur pour suivre l’étoile guide. Cependant il est possible d’utiliser un seul capteur pour la capture de l’objet et le suivi de l’étoile guide.
- Une technique utilisée avec tout type de capteur connue comme « Track and Accumulate » (SBIG) ou « Slew and Sum » (Starlight Xpress) consiste à prendre de multiples captures non-guidées plutôt qu’une longue capture guidée, entre chaque capture la caméra ou le logiciel de capture compare chaque image avec la précédente, puis calcule la dérive des objets par rapport à l’image précédente, puis décale la nouvelle image pour qu’elle s’aligne avec les précédentes. Ce processus est répété autant de fois que désiré, puis les images sont combinées en une seule image. Cependant la lecture de multiples images entraîne l’augmentation du bruit de lecture.
- Une autre technique utilisée uniquement avec les caméras interlignes Starlight Xpress, prend avantage de la structure du capteur CCD où chaque photosite est divisé en moitié, chaque moitié pouvant être lue indépendamment. L’image est construite en utilisant la moitié de chaque photosite, tandis les autres moitiés sont lues périodiquement et utilisées pour l’autoguidage. On utilise un seul capteur mais on perd en sensibilité
Comparaison des méthodes
- Coût : deux caméras sont nécessaires pour les méthodes OAG et lunette guide, les caméras à double capteurs sont plus chères que les mono capteur, mais peuvent s’avérer moins onéreuses que deux caméras
- Facilité de trouver l’étoile guide : dans la méthode OAG seule une portion du champ photographié est vu par le capteur de guidage, trouver une étoile guide peut s’avérer difficile, ce qui est plus aisé avec une caméra à double capteurs où le champ est plus grand et plus brillant. Avec une lunette guide la recherche d’une étoile guide est très facile. Il est également possible de guider sur l’objet que l’on photographie dans le cas d’un astéroïde ou d’une comète qui se déplacent indépendamment des étoiles.
- Flexions : toute solution de guidage dans laquelle le capteur de guidage n’est pas intégré avec le capteur de l’imageur introduit des flexions. Ceci peut entraîner un décalage de l’image sur un capteur qui ne correspond pas au décalage sur l’autre capteur, ce qui nuira à la netteté de l’image capturée. La méthode avec lunette guide y est plus affectée que la méthode OAG, d’où l’importance de fixations solides.
- Filtres : un filtre absorbant une partie de la lumière, dans le cas de l’imageur ce n’est pas un problème car on peut toujours augmenter le temps d’exposition, cependant cela peut être un problème si le capteur de l’étoile cible est aussi derrière un filtre, comme le cas des caméras à double capteur et des logiciels de guidage
Le tableau ci-dessous résume avantages et inconvénients des différentes méthodes
Méthode | Avantages | Inconvénients |
OAG | Peu de flexions Peut guider avant les filtres |
Difficile de trouver une étoile guide Requière deux caméras |
Double capteur | Une seule caméra Pas de flexions Peu d’avérer moins chère |
Caméra initiale plus chère Capteur de guidage derrière les filtres Plus difficile à trouver une étoile guide |
Lunette guide | Très aisé à trouver une étoile guide Capteur de guidage non affecté par les filtres Peut guider sur la cible |
Solution la plus lourde Requière deux caméras Sujet aux flexions |
Logiciel | Aisé à trouver une étoile guide Moins chère (une caméra) Pas de flexions Peut guider sur la cible |
Une partie du temps de capture est utilisé pour le guidage Bruit de lecture plus élevé Guidage à travers les filtres |
Types d’autoguideurs
- Unité autonome : inclut le capteur de guidage, l’unité de traitement et la possibilité de se connecter directement à la monture. Méthodes possibles : OAG ou lunette guide. Exemple l’autoguideur Lacerta M-GEN
- Caméras double capteurs : ce sont les caméras SBIG, par exemple les séries STT. Toutes méthodes possibles. Exemple la SBIG STT-8300M
- Caméra + PC + logiciel : on peut utiliser tout type de caméra pour le guidage en OAG ou lunette guide, il faut alors lui adjoindre un logiciel de contrôle installé sur un PC, comme par exemple PHD Guiding
- Caméras double têtes : au lieu d’avoir le capteur de guidage dans le même boîtier que celui de l’imageur, les deux boîtiers sont séparés, mais le boîtier du capteur de guidage vient se connecter au boîtier de l’imageur. Méthodes : OAG ou lunette guide. Par exemple la Starlight SVRX-H814
Interfaçage avec la monture
La plupart des montures motorisées possèdent un port dédié à l’autoguidage nommé « Auto Guider », sur celui-ci on viendra connecter par l’intermédiaire d’un câble le port de sortie d’autoguidage de la caméra si celle-ci en possède un.
Si la caméra ne possède pas un port d’autoguidage on reliera le port « Auto Guider » de la monture au PC via un câble USB, un logiciel installé sur le PC joue alors le rôle du port d’autoguidage d’une caméra.
Certains montures acceptent des commandes d’autoguidage via un port série ou USB à partir d’un logiciel contrôlant une caméra d’autoguidage sans passer par un port « Auto Guider »