Echantillonnage
L’échantillonnage est une notion importante en astrophotographie et dans une moindre mesure en observation visuelle.
En théorie il s’agit d’adapter la résolution de l’optique de l’instrument (le plus petit détail que l’instrument est capable de résoudre) à la taille de la cellule du capteur utilisé : le photosite pour un capteur numérique, le cône ou le bâtonnet pour l’œil
La théorie de l’échantillonnage nous dit que le pas d’échantillonnage doit être au moins deux fois plus petit que le plus petit élément à échantillonner : théorème de Nyquist-Shannon
Ainsi dans le cas de notre capteur de l’imageur il faut que le photosite soit au moins deux fois plus petit que le plus petit détail résolu par l’optique de l’instrument
On rappelle que la résolution R en arc seconde ″ d’un instrument est donnée par la formule :
R = 0.252 * λ / Ø
λ = longueur d’onde de la lumière en nm, et Ø = diamètre de l’optique en mm
La formule montre que la résolution optique est meilleure pour les petites longueurs d’ondes, donc meilleur dans le bleu que dans le rouge, c’est-à-dire que si le capteur résout bien le bleu, il résout aussi le rouge
On rappelle :
- Rouge, longueur d’onde > 650 nm
- Vert, longueur d’onde ≈ 550 nm
- Bleu, longueur d’onde < 450 nm
Le tableau ci-dessous montre la résolution de quelques optiques, et l’échantillonnage idéal correspondant pour une longueur d’onde moyenne
Résolution moyenne (550 nm) | Echantillonnage idéal | |
Lunette 80 | 1.73″ | 0.87″/pixel |
SCT 127 | 1.09″ | 0.55″/pixel |
SCT 203 | 0.68″ | 0.34″/pixel |
RC 203 | 0.68″ | 0.34″/pixel |
SCT 280 | 0.50″ | 0.25″/pixel |
DOB 356 | 0.39″ | 0.19″/pixel |
Un autre facteur va venir perturber ce résultat théorique : l’amplitude de la turbulence atmosphérique dans le cas où elle est supérieure à la résolution de l’instrument, dans ce cas c’est elle qui limite la résolution maximale. L’amplitude de la turbulence est définie par le seeing qui est la mesure de l’étalement à mi-hauteur de l’image ponctuelle d’une étoile
Deux cas sont à considérer :
- Imagerie planétaire : l’acquisition des images est rapide, en général plusieurs dizaines d’images par seconde, la turbulence a en général un rythme de variation plus lent, ainsi en capturant plusieurs centaines voir plusieurs milliers d’images, il en est un grand nombre de capturées à un moment où la turbulence est faible qui seront avec un logiciel adapté retenues pour créer une image correcte de l’objet. Ici on va avant tout rechercher une caméra avec une vitesse d’acquisition la plus rapide possible
- Imagerie du ciel profond : on a ici des temps de pose long, souvent plusieurs minutes, voir plusieurs dizaines de minutes, on est alors sous l’influence complète de la turbulence, c’est elle qui détermine la résolution effective. Sous nos cieux on considère des valeurs entre 2″ et 4″ comme correctes
Le tableau précédent donne ainsi la résolution optimale que l’on utilisera en imagerie planétaire
L’échantillonnage effectif E en ″/pixel est donné par la formule :
E = 206 * P / F
P = taille des pixels en μm, F = focale de l’instrument en mm
On a vu qu’il faut que l’on ait au plus E = R / 2
On en déduit la taille du pixel correspondant à l’échantillonnage idéal :
P = E * F / 206
Le tableau suivant donne la taille du pixel adapté à la résolution des instruments du tableau précédent sans et avec réducteur de focale et barlow x2 et x3 : on a d’abord la taille du pixel correspondant à l’échantillonnage idéal, puis la taille du pixel correspondant à diverses valeurs du seeing (la taille correspond au plus grand pixel possible au-delà de laquelle on est en sous-échantillonnage, donc avec perte de détails)
Echantillonnage idéal | Taille du pixel idéal | Seeing 1″ | Seeing 2″ | Seeing 3″ | Seeing 4″ | |
Lunette 80/560 | 0.87″/pixel | 2.37 μm | 2.37 | 2.71 | 4.07 | 5.43 |
Lunette 80/448 | 0.87″/pixel | 1.89 μm | 1.89 | 2.17 | 3.25 | 4.34 |
SCT 127/1250 | 0.55″/pixel | 3.34 μm | 3.34 | 6.06 | 9.09 | 12.12 |
SCT 203/2000 | 0.34″/pixel | 3.30 μm | 4.92 | 9.85 | 14.77 | 19.70 |
SCT 203/1400 | 0.34″/pixel | 2.31 μm | 3.44 | 6.89 | 10.34 | 13.79 |
SCT 203/406 | 0.34″/pixel | 0.67 μm | 0.98 | 1.97 | 2.95 | 3.94 |
SCT 203/4000 | 0.34″/pixel | 6.60 μm | 9.85 | |||
SCT 203/6000 | 0.34″/pixel | 9.90 μm | 14.77 |
|||
RC 203/1624 | 0.34″/pixel | 2.68 μm | 3.93 | 7.87 | 11.81 |
15.75 |
RC 203/1088 | 0.34″/pixel | 1.32 μm | 2.63 | 5.27 | 7.91 | 10.55 |
SCT 280/2800 | 0.25″/pixel | 3.40 μm | 6.78 | 13.57 | 20.36 | 27.15 |
SCT 280/1960 | 0.25″/pixel | 2.38 μm | 4.75 | 9.5 | 14,25 |
19.00 |
SCT 280/560 | 0.25″/pixel | 0.68 μm | 1.35 | 2.71 | 4.07 | 5.43 |
SCT/280/5600 | 0.25″/pixel | 6.80 μm | ||||
SCT 280/8400 | 0.25″/pixel | 10.19 μm | ||||
DOB 356/1650 | 0.19″/pixel | 1.52 μm | 3.99 | 7.99 | 11.99 | 15.99 |
Si on prend un capteur avec des photosites plus grand qu’indiqué on est en sous-échantillonnage, on perd donc des détails, il vaut mieux dans ce cas choisir un capteur avec des photosites plus petits si on a le choix
A priori je ne connais pas de caméra avec des photosites plus petits que 3.45 μm, d’autre part si on veut rester dans des prix « raisonnables » (en rapport avec les instruments utilisés) on se limitera à une taille maximum de 9 μm
Les cellules en vert répondent à ces critères
J’ai laissé vide les cellules qui auraient donné des valeurs > 9 μm
La dernière ligne du tableau correspond au Dobson Orion SkyQuest XX14i utilisé en visuel : si on considère que le diamètre moyen d’un cône ou d’un bâtonnet est d’environ 5 μm, on voit que l’on est la plupart du temps en sur-échantillonnage
L’analyse de ce tableau amène certains réflexions
- On voit que quelque soit l’instrument choisi on ne pourra pas en exploiter sa résolution, le capteur choisi sera toujours en sous-échantillonnage, mais comme on sera la majorité du temps limité par la turbulence cela n’est pas un vrai problème
- La ligne SCT 203/406 correspond à un Celestron C8 avec un Hyperstar : on voit qu’un ciel correct (turbulence inférieur à 2″) ne permettra pas d’en exploiter les performances, on peut alors se poser la question si cela vaut le coût d’investir dans cet accessoire, hormis la réduction du temps de pose
- On peut faire la même réflexion pour la ligne SCT 280/560 qui correspond au C11 avec Hyperstar
- On voit qu’en planétaire avec les longues focales (barlow x2 et 3x) on sera toujours en sur-échantillonnage
Une remarque concernant l’utilisation d’un APN : on considère que la taille effective du photosite à prendre en compte vaut 1.5 fois la taille réelle, ainsi pour le Canon EOS 1000D dont le photosite vaut 5.71 μm, on considérera un photosite effectif de 8.57 μm
Compléments (Maj du 24/03/2014)
Remarque : Il n’est pas toujours évident d’être complet quand on écrit sur un sujet donné, d’autres lectures et expériences amènent d’autres informations qui complètent les précédentes mais parfois aussi peuvent les contredire.
Plutôt que de réécrire complétement un article je préfère y apporter des éléments complémentaires (à moins que l’article soit vraiment complétement faux), au lecteur ensuite d’en faire la synthèse
Comme précisé en début d’article l’échantillonnage doit permettre d’adapter caméra et instrument, la valeur de cet échantillonnage dépend de la résolution à obtenir (le plus fin détail séparer).
La résolution limite est celle de l’instrument, on ne pourra jamais descendre en dessous, mais la plupart du temps cette résolution est limitée par le seeing (turbulence de l’atmosphère). Le seeing est souvent mesuré en terme de FWHM d’une étoile (largeur à mi-hauteur du maximum)
Pour cela on réalise une capture sur une pose de plusieurs secondes et on détermine sur combien de pixels s’étale la FWHM : il en faut au moins 2, préférablement 3
Connaissant l’échantillonnage au moment de la capture et le nombre de pixels sur lesquels elle s’étale on peut en déduire la grandeur de la FWHM en arcsecondes : elle donne la résolution de l’ensemble caméra et instrument en fonction du seeing de la nuit en cours
Si le nombre de pixels sur lesquels la FWHM s’étale est supérieur à 3 on est en sur-échantillonnage, on peut par exemple passer en binning 2×2 ou diminuer la focale à l’aide d’un réducteur
Si le nombre de pixels sur lesquels la FWHM s’étale est inférieur à 2 on est en sous-échantillonnage, la seule solution est d’augmenter la focale de l’instrument à l’aide d’une barlow par exemple
Exemple : une FWHM mesurée de 2.6 arcsecondes, l’échantillonnage doit se situer entre 0.86 et 1.3 arcsecondes par pixel pour avoir une performance optimale entre sensibilité et résolution, un capteur avec des pixels de 5.4μ sera bien exploité avec une focale comprise entre 855 et 1293 mm
Après le choix définitif reste un compromis, surtout si l’on veut utiliser la même caméra sur différents instruments, il faut aussi tenir compte de la FOV (champ de vision)