Astrophotographie et rotation de champ
La Terre tourne autour d’un axe Nord-Sud d’Ouest en Est, ce qui fait que lorsque l’on observe les étoiles, celles-ci tournent autour de cet axe d’Est en Ouest.
Quand on pratique l’astrophotographie avec une monture équatoriale motorisée, cette rotation est en théorie compensée, puisque la monture tourne autour d’un axe parallèle à l’axe de la Terre (l’axe polaire ou d’ascension droite) dans le sens inverse de la rotation terrestre et à la même vitesse, ainsi le capteur de la caméra pivote autour de cet axe et conserve ainsi toujours la même orientation par rapport à l’objet photographié.
En théorie, puisque rien n’étant parfait, tout assemblage mécanique souffre de défauts qui introduisent des erreurs qui font que le suivi n’est pas parfait, aussi l’image sur le capteur va petit à petit se décaler en fonction du temps : elle subit une rotation de champ.
Cette rotation de champ est en général négligeable pour des durées de pose relativement courtes, mais devient un facteur de détérioration de l’image quand les durées de pose augmentent. Pour compenser alors ces erreurs on pratique l’autoguidage qui va compenser les dérives dues aux imperfections mécaniques.
Maintenant qu’en est-il avec une monture ALT-AZ, peut-on envisager l’astrophotographie avec une monture de ce type ? Avec ce type de monture le capteur a toujours la même orientation tandis que l’image sur le capteur tourne
Dans l’astrophotographie lunaire ou planétaire les temps de pose sont très courts, bien entendu entre la première image capturée et la dernière celle-ci a subi une rotation de champ, mais les logiciels de traitements savent compenser cette rotation du moment qu’elle n’est pas trop importante, des captures d’une à deux minutes sont alors envisageables
Là où la rotation de champ risque de poser problème est l’astrophotographie des objets de type DSO (Deep Space Objets ou Objets du Ciel Profond) où une image résulte de pose de durées plus conséquentes
Comment alors évaluer la durée maximum d’une exposition ?
Temps de pose en ALT-AZ
La Terre effectue une rotation complète (360°) en une journée (23.9345h), ainsi durant t secondes la Terre tourne de (en arcsecondes) :
RCT : en arcsecondes
t : en secondes
Soit :
La rotation de champ (en arcsecondes) d’un objet pendant t secondes est donnée par la formule :
RC : en arcsecondes
lat : latitude de l’observateur
az : azimut initial de l’objet ciblé
haut : hauteur initiale de l’objet ciblé
L’établissement de cette formule dépasse le cadre de cet article, mais croyez-moi elle est exacte
Remarques :
- La rotation de champ est plus importante près de l’équateur que près des pôles
- La rotation de champ est plus importante pour les objets près du zénith que près de l’horizon
Considérons un objet de rayon d, centré sur le capteur de la caméra, la monture étant motorisée elle assure un suivi qu’on considérera comme parfait, l’objet restant alors toujours centré sur le capteur
Il s’agit de l’image de la cible sur le capteur au moment où l’on démarre la capture
Au bout d’un temps t=Tn, la Terre ayant tournée d’un angle de An°, l’image de la cible sur le capteur a également tournée, elle a subi une rotation de champ, ce qui entraîne un bougé b de l’image sur le capteur
C’est ce bougé b que l’on doit évaluer pour mesurer son impact sur la dégradation de l’image, le schéma suivant permet de le calculer :
d : en arcsecondes ou en pixels
b : en arcsecondes ou en pixels
Les durées de pose n’excédant pas quelques minutes, l’angle de rotation de champ est assez petit pour confondre le sinus d’un angle avec l’angle lui-même si celui-ci est exprimé en radians, la formule devient alors (avec RC(t) exprimé en arcsecondes) :
En combinant avec la formule donnant RC(t) on obtient :
Ainsi si on se limite à un bougé maximum bmax, on ne devra pas dépasser une durée de pose tmax de :
tmax : en secondes
bmax : en arcsecondes ou en pixels
d : en arcsecondes ou en pixels
Remarques :
- La durée de pose maximum est plus faible pour les objets situés près du zénith que pour les objets situés près de l’horizon
- La durée de pose maximum est plus faible si on se situe près de l’équateur que près des pôles
Exemples
Considérons l’utilisation de la configuration suivante (configuration de vidéo astronomie) :
- Celestron NexStar Evolution 9.25
- Caméra Mallincam Jr Pro
- Barlow 2x
- Réducteurs 0.63x et 0.33x
Suivant les configurations utilisées on obtient le tableau suivant :
F/D | Focale | E | FOV |
F/20 | 4700 | 0.37″ | 4.7′ |
F/10 | 2350 | 0.74″ | 9.4′ |
F/6.3 | 1481 | 1.17″ | 15′ |
F/3.3 | 776 | 2.23″ | 28.6′ |
E : échantillonnage en arcsecondes (« )
FOV : grandeur du champ en minutes (‘)
La latitude minimum de mes sites d’observation est de 43°, pour ces lieux le temps tmax devient :
Avec le montage sur le Celestron on ne peut dépasser une hauteur de cible de 70°, la formule devient :
On s’impose un bmax égal au pixel, donc à l’échantillonnage, et on prendra pour d la moitié du FOV, on obtient alors un tmax valable pour toutes les configurations de :
Le graphique ci-dessous montre la valeur de tmax suivant la valeur azimutale initiale az de la cible :
J’ai forcé manuellement la valeur 200 pour az=90°, puisque pour cette position, le temps devient infini ce qui ne veut pas dire grand chose
Conclusion
Si l’astrophotographie planétaire peut être envisagée, en ciel profond on ne peut espérer plus de 2 à 3 minutes ce qui peut être utilisable en vidéo astronomie, mais n’espérez pas réaliser de magnifiques photos avec ce type de monture seule la configuration équatoriale est envisageable